"Il était là, un livre à la main, comme à son habitude, caressant religieusement chaque page, humant chaque mot, se délectant de ces phrases interminables, j'étais fascinée. J'entrais dans sa chambre, derrière les bonbons à la menthe, se trouvait la dernière trouvaille qu'il avait mise de côté pour moi. Il me regardait d'un air complice, et je n'avais plus qu'à ressentir, me laisser guider le long des pages, laisser ma pensée s'échapper et danser avec ces mots qu'il avait choisi pour moi. Ce n'était qu'un livre, et c'est devenu notre rituel, ce lien inébranlable qui nous retenait l'un à l'autre. Il a été le premier à croire en moi, j'irais loin comme il le disait souvent, mais maintenant qu'il n'est plus, je n'avance plus, j'ai perdu l'acteur principal de mes ambitions, ce qui revient à dire que je suis en doute perpétuel sur moi même et sur mes actes. J'ai ce gout d'échec dans la bouche, cette nausée quand je pense aux espoirs qu'il avait mis en moi alors que la seule chose dont je suis capable en ce moment est de douter de moi, de mes envies, me remettre en questions pour ne pas avancer, reporter au lendemain mes actes car je ne m'en sens pas capable... Je ne serais jamais comme lui, inculquer des valeurs à un enfant, l'aider à grandir et voir dans ces yeux la continuité de soi, tout cela ne restera qu'un doux fantasme."
A mon grand-père.